Café du Bord de Seine

L'après midi, frais mais ensoleillé, touchait à sa fin. Le café était bien éclairé, et l'intérieur inspirait la chaleur et le confort.

Pourtant peu de monde s'y était installé en ce vendredi de janvier. Un couple occupait une table dans un coin, un homme en costume gris mangeait le plat du jour au fond de la salle, et un autre, moustachu, venait visiblement d'arriver, et commandait auprès du serveur.

C'est la scène que trouve Otmar en pénétrant dans le café.

Kessel entre dans le café. Un peu gêlé par la météo hivernale, le taxidermiste entre dans les pièces, se frottant les oreilles. Saluant discrètement l'assistance, il se dirige vers le comptoir.

*Bordel, c'est qui mon contact ?*

L'homme prend un tabouret pour commander une consommation.

*Fais toi remarquer ! Sois discret comme un Panzer ! Fais ton pangermaniste pour que ton contact se manifeste.*

Même si le serveur se frotte à une distance raisonnable, Kessel parle très fort : "Herr Ober, Glühwein Bitte !"

Voyant l'incompréhension du petit personnel, il précise d'une voix plus douce : "Vin chaud s'il vous plaît..."

Un serveur s'empresse de venir servir Otmar. Le vin chaud dans les mains, il lui fait signe qu'un des clients lui fait signe. Otmar se retourne. Le moustachu l'invite à prendre place devant lui, à sa table.

Il se présente lorsqu'Otmar le rejoint, et lui serre la main:

"Dieter Julgig, ravi de rencontrer les futures relèves..."

Un peu fatigué, Otmar fait face au moustachu. Il boit sa consommation.

"Herr Julgig, salutations. Savez-vous les raisons de cette rencontre ?"

L'homme plisse les yeux.

"Hum... Non. Je savais uniquement que je rencontrerai un compère ici. Je suppose que vous avez besoin de moi, et de mes connaissances, non ? À moins que ce soit de ma participation physique... Expliquez-moi ce que vous attendez de moi..."

"Je n'ai pas besoin de vous, c'est la Société de Thulé qui demande vos services..."

Kessel hoche la tête :

"Je n'ai pas cette prétention."

La chaleur de son verre de vin chaud se glisse dans ses narines. Il boit, puis expire bruyamment avant de parler :

"Si je vous dis Lance du Destin, ça vous parle ?"

"Oui..."

Herr Julgig remue le café qu'on vient de lui porter avec une petite cuillère. En tant qu'antiquaire, il connait toutes les reliques célèbres.

"On appelle Lance du Destin la lance qui perfora le flan du Christ tandis qu'il agonisait sur la croix. Elle porte aussi le nom du légionnaire qui la tenait: Longinus. À cause de cet act, elle est une des reliques les plus importante de la Chrétienté. Elle est cependant divisé en deux morceaux, le plus grand se trouvant au Saint Siège, en Italie."

Il relève la tête pour regarder Otmar.

"L'autre partie devrait se trouver ici même, à Paris. À la Bibliothèque Nationale..."

"- Je n'en attendais pas moins de vous Herr Julgig."

Kessel finit sa consommation, et se penche vers l'avant, la majeure partie de son poids reposant sur ses cuisses. Il se rapproche ainsi de son interlocuteur : il parle alors à voix basse.

"- La Gesellschaft veut mettre la main dessus, pour de bon. Nous devons passer à l'action... la première étape serait la Bibliothèque Nationale : j'ai besoin d'un guide dans cette opération. Pouvez-vous être mon savoir et mes yeux ?"

Il toussote.

"... pour la grandeur de Thulé."

"Je pourrais en effet."

Il continue sur le même ton qu'Otmar.

"Mais la pointe de la lance qui aurait dû se trouver à la Bibliothèque Nationale n'y est plus. Elle a disparue au début du 19e siècle."

Il se recule, sort un crayon et un bout de papier de la poche intérieure de son manteau et gribouille quelque chose. Il tend ensuite le dessin à Otmar.

"Voilà la pièce conservée au Vatican. Pour vous donner une idée de ce que vous cherchez à paris. Un bout de lance. Est-ce votre mission, Herr Kessel ?"

Kessel regarde la succession de traits, qui forment, petit à petit, un schéma similaire à ce que le taxidermiste avait dessiné au Louvre.

"Voilà qui m'évite une recherche infructueuse à la Bibliothèque... par contre, le Vatican, malgré sa faible superficie, est tout de même un grand terrain de jeu. L'état papale est une botte de foin..."

Il s'agit bien de sa mission... mais Otmar se rend compte qu'il est très loin de son objectif.

"Non, laissez-moi vous corriger. Paris est une immense botte de foin, c'est là que vous devrez passer le plus de temps à la recherche. La Lance du Vatican est forcément entreposée dans une pièce fermée, surveillée, mais où les fidèes peuvent venir la voir, la toucher, en simple visite."

Il regarde fermement Otmar.

"C'est une relique je vous le rappelle. Pour le pontife, ce n'est sûrement pas un pouvoir octroyant d'immenses pouvoirs... Le monde que l'on pense sacré est beaucoup plus profane que l'on ne pourrait le croire. Il se traine dans ce qu'on appelle l'exotérisme, alors que la Vérité, elle, notre Héritage, siège dans l'ésoterisme des peuples élus."

"La Confrérie ne m'a pas mis à disposition un esprit aussi éclairé que le vôtre. J'ai bien trois aides, mais leurs recherches ont peu de valeur ajoutée. Pouvez-vous être mon guide parisien ?"

Kessel recommande une tournée.

"Tous les Thuléens sont mes amis. Je peux vous offrir mon aide. Voici comment me contacter..."

Il griffone encore un bout de papier pour le tendre à Otmar.

"Les hommes qui sont à notre disposition, oui, moi aussi au début j'ai eu du mal avec eux. Aujourd'hui j'en ai 5 sous mes ordres. Ils rassemblent des antiquités ciblées... Vous savez, si les votres ne vous conviennent pas, vous pouvez toujours essayer de les changer. Une demande à vos supérieurs, et moyennant quelques billets, je pense que la chose est possible."

Il réfléchit, se pincant la lèvre supérieure.

"Oui... Je crois que j'avais fait ça pour l'un d'eux dans le temps. Il passait son temps à manger des choses immondes. À longueur de journée, cela m'horripilait."

[Ajout d'un Contact sur le bureau.]

"Herr Julgig, si j'étais catholisch, j'aurais dis de vous que vous étiez un Messie."

Kessel rigole de façon étouffée, n'ayant pas envie d'attirer l'attention de tous. Le taxidermiste prend note du contact.

"Vous supposez beaucoup de choses cher Julgig. Je suis plutôt un homme d'action : je recherche la personne détentrice d'informations, et je vérifie ce genre d'instincts que vous pouvez, ou d'autres confrères peuvent me souffler."

Otmar a le ventre qui bouillonne avec ce fichu vin chaud français.

*Infecte comme cette population.*

"Julgig, je vais me diriger vers les sanitaires pour évacuer cet Ersatz de Glühwein... finissez votre consommation, n'attendez pas mon retour, je règlerai la note..."

Se tenant quelque peu l'abdomen, et grimaçant, Kessel dit le visage cripsé : "Salutations Julgig, puisse Thulée nous mener à la victoire."

"Et elle nous y mènera, Herr Kessel ! N'hésitez pas à me recontacter !"

Il sert la main d'Otmar.

"Ravi de vous avoir rencontré."

Otmar va soulager ses tripes aux toilettes, lorqu'il revient Julgig est déjà partit. Le serveur débarrasse tout juste son assiette encore à moitié pleine. Kessel sort dans la rue. Maintenant qu'il a certaines informations, c'est à lui de prendre les devants de l'enquête.

[Bibliothèque Nationale - Le Grand Hall]